Les cerfs-volants Layang-Layang sont un élément fondamental de la culture indonésienne, dépassant largement le statut de simple jouet pour enfants. Cette pratique ancestrale est profondément ancrée dans le patrimoine culturel de l’archipel et mobilise des communautés entières de passionnés de tous âges.
Une tradition millénaire aux racines profondes
Contrairement aux idées reçues, l’origine des cerfs-volants pourrait être indonésienne plutôt que chinoise. Une découverte archéologique majeure en 1997 a bouleversé les théories existantes : une peinture rupestre représentant un homme tenant un cerf-volant a été trouvée dans une grotte sur l’île de Muna, à Sulawesi. Les recherches suggèrent que cette représentation daterait de la période mésolithique (9 000 à 9 500 ans avant J.-C.), ce qui placerait potentiellement la naissance du cerf-volant en Indonésie.
La pratique du layang-layang existe au moins depuis les années 1930 selon certaines sources, mais ses racines culturelles plongent bien plus profondément dans l’histoire indonésienne. À Bali notamment, les cerfs-volants sont liés au culte de Rare Angon, une manifestation du dieu Shiva, et servaient traditionnellement à célébrer la saison agricole.

Des œuvres d’art volantes aux dimensions impressionnantes
Les layang-layang indonésiens impressionnent par leur diversité et leurs dimensions extraordinaires. Certains atteignent des tailles colossales, allant de 40 centimètres à 10 mètres, et nécessitent parfois un camion pour être transportés, ainsi que plus de dix personnes pour être déployés. Le record du plus grand cerf-volant végétal a été établi en 2016 lors des jeux Tafisa avec des dimensions de 5 mètres sur 4,3 mètres.
Ces créations aériennes prennent des formes variées : poissons, oiseaux, dragons, bateaux et autres figures symboliques. Elles sont fabriquées à partir de matériaux traditionnels tels que le bambou, le tissu et le papier, mais aussi désormais le plastique. Sur l’île de Muna, les kagathi sont entièrement constitués de matériaux végétaux : le corps est fait de feuilles de manioc, la structure est en bambou et les cordages sont en fibres de pandanus.
Une pratique entre spiritualité et compétition
Les compétitions de cerfs-volants en Indonésie se déclinent en deux formes principales. La première correspond aux combats où les cerfs-volants s’affrontent littéralement, équipés de fils coupants recouverts de poudre de verre. Ces joutes aériennes visent à faire tomber l’adversaire en l’espace de quelques minutes.
La seconde forme consiste en des expositions d’œuvres d’art volantes dans le ciel, valorisant la beauté et la créativité des créations. Ces événements attirent des participants nationaux et internationaux et constituent un spectacle visuel extraordinaire.
À Bali, les festivals de cerfs-volants ont principalement lieu pendant la saison sèche, de juin à septembre, période où les vents sont propices. Le festival international de Sanur, généralement organisé en juillet-août, représente l’apogée de cette saison. Les participants doivent porter les costumes traditionnels balinais, et les démonstrations sont accompagnées par les sonorités du gamelan, l’orchestre traditionnel indonésien.
Symbolique et utilité pratique
Les cerfs-volants indonésiens transcendent la simple dimension ludique. À Bali, ils servent de messagers vers les dieux, portant gratitude et demandes de bonnes récoltes. Le terme balinais « layangan » dérive d’ailleurs du mot sanskrit « layang » signifiant « lettre ».
Sur l’île de Muna, les kagathi remplissent une fonction agricole pratique : une boîte attachée au cerf-volant produit un bruit qui effraie les sangliers sauvages, protégeant ainsi les cultures. À Tongkeina, en Sulawesi, les layang-layang sont même utilisés pour la pêche, avec une ligne terminée par un leurre qui attire les poissons.
Types emblématiques de Layang-Layang
Parmi les modèles traditionnels balinais, trois types principaux se distinguent :
- le Layang Be bean, qui reproduit un poisson dont les nageoires flottent au vent ;
- le Layang Janggan, qui ressemble à un oiseau ou à un dragon, avec une queue rouge, blanche et noire symbolisant la vie, le bien et le mal ;
- le Layang Pecukan, qui a une forme libre mais est réputé difficile à maîtriser en vol.
Le Pecukan, avec son dos courbé et ses coins pointus, symbolise la dualité, le positif et le négatif, suivant les principes fondamentaux de la philosophie balinaise.
Transmission et rayonnement international
En Indonésie, la fabrication des cerfs-volants est une affaire communautaire et familiale. Les techniques se transmettent de génération en génération. Dans les villages balinais, chaque quartier possède son banjar, regroupement de familles qui s’entraident pour diverses activités, dont la création de cerfs-volants.
L’art du layang-layang rayonne désormais à l’échelle internationale, comme en témoigne sa présence dans divers festivals mondiaux. Récemment, lors de la 38e édition de la Fête du Vent à Marseille, l’Indonésie était le pays invité d’honneur, avec une délégation de 16 cerf-volistes venus de Java et de Bali pour présenter leurs créations.
Les touristes peuvent aujourd’hui s’initier à cet art ancestral lors d’ateliers proposés notamment à Ubud et Sanur, qui leur permettent de découvrir les techniques de fabrication traditionnelles et de créer leur propre Layang-Layang.